Le mystère Matieu

Cheval affamé ne connaît pas son râtelier

H. est repu… “ Cherchez H. ” (Rimbaud)

Il n’a pas toujours été mystérieux, à cette époque la peinture était lumineuse par elle-même et pour elle-même. Nous allions voir Tobey et Pollock en ignorant que le premier était mystique et le second le plus grand de l’abstraction lyrique. Il n’y avait pas encore de classifications bien établies. Nous découvrions. Mais l’évidence libérée était là. Avec le dernier, pas d’ambiguïté quant à la spiritualité. Il avait commencé par des totems indiens. Ou en tout cas la spiritualité n’était pas chrétienne. C’était les grandes expositions de l’abstraction lyrique en France. Plus tard ce serait la grande rétrospective de Jaspers Jones au Palais de Chaillot. Quelle mouche avait piqué Matieu d’abandonner les mathématiques et la physique pour la peinture ? C’est sans doute le premier mystère. Ce n’était pas abandonner des études et une formation, c’était abandonner une carrière déjà entamée. En plus ce n’est pas l’homme des foucades, mais des principes… les siens certes - sans doute ce qui restait du milieu protestant de son enfance - , sans contenu autre que celui de ses décisions. On n’en saura jamais plus sur ses origines. Ce silence est une autre actualisation de l’autonomie de toute décision, plus particulièrement les siennes. Silence !

Ses premiers portraits d’un ami (iranien ou turc, je ne me rappelle plus, sauf son nom, presque Africain, Scipion) étaient plutôt frustres. Rouault, s’il faut une référence, sans doute maladroit. On ne peut dire que les pinceaux lui mangeaient la main. Sa passion paraissait dans sa réalisation plus d’intellect que d’instinct pictural. C’est sans doute l’abstraction lyrique qui l’a libéré. Mais en même temps il voulait la faire parler, la peinture. Ce fut rapidement l’époque de la collaboration avec le philosophe, Badiou, et bientôt la philosophie se généralisa. Ils entreprirent même une saga ambitieuse intitulée Le Livre. Un texte de Badiou était écrit dans des espaces blancs laissés par les couleurs. Toutes les toiles ne portaient pas un texte. J’en ai quelques unes à mes murs ( 1 : sans titre, les éboulements homogènes initialement semblent jeux de formes, mais petit à petit prennent l’aspect d’une accumulation de têtes… coupées et en tas, ou foule de travailleurs en attente de travail vue à la verticale, têtes brachycéphales, probablement africaines…), puis le projet fut abandonné ou la discorde consommée. C’était durant la guerre d’Algérie. Matieu fut exempté de la guerre pour charge familiale, il avait déjà trois enfants, heureusement, car il n’y serait en tout cas pas allé. Quant à Badiou il fut versé comme flûtiste (amateur qu’il était) dans la fanfare militaire de l’aviation cantonnée à Bordeaux. Cela convenait à leur refus de la guerre. Ils restaient proches, au point par la suite d’être amené à vivre un laps de temps en communauté. C’était l’époque militante et maoïste. Matieu vivait dans la peinture hors du monde de l’art, rêvait déjà d’une exposition posthume de toutes ses œuvres accumulées… Cependant il n’était pas seul. Avec nous, sa femme, ses amies, et même un moment Althusser, lorsque, convalescent, ce dernier récupérait en découvrant l’art dans des catalogues, bref des spectateurs qu’il considérait sans doute comme échantillons suffisants de ce qui valait éventuellement pour l’humanité. Le Beau comme sollicitation et appel à une approbation universelle. J’imagine que Matieu demeurait concret grâce à ces proches. Nous, théoriciens de l’engagement, nous ne comprenions pas cet idéalisme de l’œuvre pure, matérielle certes et non idéale, mais non compromise par le monde : les galeries, les expositions et finalement le public, bref le réel historique et le risque de s’y exposer. Comme il était matérialiste à l’instar de nous tous, poussé par nous, sans trop états d’âme, il accepta de sortir des tanières de ses ateliers successifs, gourbis de pauvre peintre, pour se livrer au monde et se mettre à découvert. Je crois que ce fut sa première exposition, collective, avec cinq autres jeunes artistes, chez Maeght… Arias, Capdeville, Fromanger, Garache, le sculpteur Artigas. J’étais un peu honteux pour Matieu de ce mélange de tout et n’importe quoi. Je ne savais pas encore que c’est la création et l’invention qui a le premier mot, et le spectateur tout au plus a droit au silence de la découverte et de l’apprentissage de nouveaux schèmes esthétiques, s’il le peut… et si l’œuvre les soutient. Jacques Prévert parle de collaboration, c’est faire un grand honneur au spectateur. En fait ce n’était pas difficile à croire pour moi… la philosophie était quand même la reine des sciences!

Outre cette question psychologique de prépondérance, je sais aujourd’hui à quoi je restais rebelle face aux acolytes de l’exposition : les autres s’essayaient, pinceaux, couleurs et espace à disposition, à trouver des voies propres au simple usage de ces moyens. Matieu, lui, à travers ce matériel, visait une construction ou une fabrication, un centre de sens incarné habitable par le philosophe. C’était, cette fois, faire honneur à la philosophie. Badiou écrivait à ce propos : “ Le Beau, c’est la liberté faite objet, non l’objet vacant, moulin de tous les désirs et de toutes les méconnaissances. Ce “faire” doit lui-même être visible. Matieu qui est un classique, garde le sens de l’œuvre ” (2) : “ aventure immobile et circulaire, presque drapée, d’une matière qui se divise et se renoue ” nomme déjà cette période Badiou.

Quelques temps plus tard Matieu rompait avec le petit monde de l’art lorsqu’il apprenait que Maeght faisait de la spéculation en remisant ses œuvres à la cave dans l’attente du moment opportun pour les mettre sur le marché. L’horreur pour ce puritain de gauche. En un certain sens il avait eu raison contre nous. Mai 68 le confirmera dans sa vision et infirmera notre matérialisme un peu fétichiste. En fait, les idéalistes, avec leurs idées, devenaient réalistes. Les masses étudiantes faisaient pression par leur seule action idéologique. Commençait alors à poindre la vague conceptuelle pour laquelle Matieu ne manifestait aucun intérêt, le pop et l’hyperréalisme dont il connaissait certains acteurs. Et cela correspondit peut-être et même sans doute à un tournant pictural relevant plus de la « représentation » de sa part. Mais l’usage qu’il en faisait me restait assez énigmatique. Cela n’a pas cessé depuis. De grands thèmes problématiques motivaient chaque entreprise. Ce qu’il appelait des séries, entre sept et quinze tableaux, qui obéissaient à une nécessité qui lui était évidente… à lui. De grands aplats de couleurs vives et l’une ou l’autre silhouettes totalement abstraite : un ovale pour la tête et une descente coulée de couleurs pour le reste de la silhouette. (3 cf. Les Alanguissantes.) Ouis ce fut Mai 68, et le Rouge révolutionnaire s’imposait massivement. Des ballons et des drapeaux, mais la frappe lumineuse des couleurs était l’essentiel pour moi. Quant au rapport entre le titre, le thème et les quelques éléments illustratifs, Matieu était, comme toujours, peu loquace.

Première et grande caractéristique, du peintre et du rebondissement incessant de son mystère après celui de son entrée en peinture, celui de ses œuvres successives (ses séries). Commenter ou expliciter aurait sans doute été trahir l’autonomie d’expression de l’œuvre même. Et puis également trahir ses interlocuteurs de croire qu’il faille être didactique ! Se trahir lui-même finalement, trahir l’homme universel qu’il se devait d’être et menacer du coup l’entente consensuelle et fraternelle qu’il postulait. La fraternité de Matieu est dévorante : pour autant qu’il ait effectué une rencontre selon des critères qui lui paraissent décisifs, l’autre devient un autre lui-même, plus besoin de parler dès lors : tout va de soi ou est censé couler de source. Ce doit être comme les coups de foudre amoureux. Redoutable supposition pour le bénéficiaire qui voit l’œuvre et est persuadé qu’il doit pouvoir la parler, ne serait-ce que pour soi-même, la vue étant un sens impuissant une fois qu’elle est remplie… elle appelle la pensée à la rescousse ; le dit bénéficiaire pensait également que Matieu pouvait l’aider. Mais non, tout était censé être là. Cette présomption d’universalité s’enracine dans le matérialisme foncier de Matieu. Les mathématiques qui pouvaient exprimer celle-là attestaient que, bien qu’affirmation moniste, le matérialisme ne sombrait pas dans la platitude : les signes sont bien de la matière mais capables de combinatoires géniales ; il n’y avait pas de raison que son principe ne s’applique pas à la multiplicité des couleurs et des formes dans l’espace, et que tout ne puisse s’y réduire : multiplicité politiques, artistiques, littéraires, musicales, naturelles ou artificielles. L’ambition, comme on voit, est totale. Même si elle se réduit à une surface plane finie.

La finitude a certainement un temps préoccupé Matieu. Peut-être se rappelait-il le nombre fini d’œufs au plat que Boris des Chemins de la liberté calculait pouvoir manger, s’il en mangeait un par jour pour une moyenne de vie x. Matieu continue aujourd’hui à y penser à sa manière ; en passant à une série coloriée au crayon, la série Charlotte , la Charlotte Corday et la Charlotte des Palmiers Sauvages - Matieu aime voir Charlotte en toute femme, donc il doit y en avoir d’autres anonymes -, eh bien depuis donc, il accumule le poids sans poids des copeaux de crayons dans des sacs en plastique, le chiffre fini ne sera pas en kg mais en nombre de sacs… Traduction mathématique de la finitude.

Mais comment être matérialiste et coloriste si la matière est homogène et les couleur multipliée par leur combinaisons infinies ? Pour la matière tout fait l’affaire ; mais justement où est l’art dans ce cas, les formes et les agencements ? Toucher au plus près à “ l’inférieur clapotis ” matériel : minéral, végétal, animal humain, leur prolifération, et cela sans s’y noyer… ? Il y aura bien des lois de progression, celle de la prolifération des feuilles du rhododendron. Il en produira la graphie mathématique dans une partie de la toile en même temps que sur la même toile il revêtira le dos d’un être proche du motif floral de cette prolifération mathématique, mais sur vêtement, pas comme tatouage. L’anonymat est censé être protégé. Le modèle seul pourra parler, mais il est au parfum du silence, et d’ailleurs il n’est vu que de dos, seuls des intimes doivent pouvoir s’y retrouver…

Matieu semble par là obéir, en en surmontant la limite, au mot d’ordre d’un autre grand matérialiste qui pense que pour toute chose on ne sort pas d’elle par les seules choses, or des choses, c’est tout ce qui est capable d’en sortir : “ l’on ne sort pas des arbres par des moyens d’arbres ” (Ponge). C’est que ça (les choses, la matière), ne s’exprime pas par soi-même, le seul sursaut de profération attesté dans leur cas réside dans leur répétition dit Ponge : “ les arbres… lâchent leurs paroles, un flot, un vomissement de vert. Ils tâchent d’aboutir à une feuillaison complète de paroles… ” ; mais les mots, encore eux, le disent : des feuilles, encore des feuilles, rien de plus, on n’en sort pas. Il n’est pas question, pas plus que pour Ponge d’ailleurs, d’en rester là. Plus tard Matieu prendra les arbres d’hiver de son environnement. Les branches nues ne prolifèrent pas… sinon en branches mortes tombées sur le sol. Il plongera donc les arbres dépouillés dans des bains de couleur totale, rouge, jaune, vert, etc. (4 : Abandon du politique, arbres plongés dans le rouge total) C’est que le matérialisme n’est pas le réalisme. Noir, blanc ou couleurs, de toute façon il n’y a pas d’arbres neutres, d’arbres en soi. Matieu ne s’en laissera jamais conter sur l’art. La Chose matérielle, par l’art “ attend son nom de tout son zèle d’expression avorté ” dit Sartre, alors que Merleau-Ponty dira la phénoménologie comme l’advenue à son sens proféré du silence de la chose Toujours le Devoir… vain, de son enfance, de la vie. Matieu n’a pas peur d’affronter par l’attente des choses, qui le justifieront, la grande terreur de Kant : au vu du flux incessant des sensations dont la matière nous affecte, que le cinabre tourne au vert ou la neige au rouge ou l’arbre au jaune. Mais cette fois les idées comme les catégories de l’entendement, l’idéalisme objectif ou l’idéalisme subjectif, dans les deux cas l’hylémorphisme (adéquation “ naturelle ” de la forme à son objet ou sa matière) est débouté par la liberté créatrice, qui se sait dorénavant être là pour la “ Gloire du long désir, Idées… qui du jardin la sépara ” (Mallarmé).

Surgit désormais le droit à l’incessante sarabande des libres associations picturales. Non pas que les choses soient absentes, au contraires toutes valent, dont avant tout celles qui sont là, sous la main ; c’est la polyphonie des couleurs et des formes. Ça semble le hasard, mais non, une fois repérée par Matieu à force d’être là justement, la chose “ sélectionnée ” se prête à tous les traitements requis, sadisme de l’esprit de Matieu qui se met en branle selon les incontrôlables circuits mentaux qui le font démiurge de lui-même : le hasard devenu nécessité ! Qui peut mieux ? Tout autant sans doute, les autres créateurs. Il transforme des bouchots à moules sur les plages de basse Normandie en l’armée de soldats d’un opéra allemand de Zimmerman intitulé justement “ Les Soldats ” (les pieux de Normandie) ou un fauteuil en rotin défoncé et troué mais d’usage toujours possible, en l’aise du philosophe, en philosophe=fauteuil, un même combat ! Et quand est abandonné l’espoir que la philosophie sauvera le silence des œuvres, et le monde par la même occasion, alors dans une tempête purement intellectuelle Matieu le peindra renversé, pieds en l’air. Ma fille le remettra sur pied, gigantesque, sur du papier d’emballage, tout déchiré, et lui offrira… prolifération inter artistique d’un objet fétiche, le dernier concevable, déjà Matisse... Louise Bourgeois suspend à un filin d’acier le corps courbé en arc tendu des reins d’un enfant en drap éponge rose… toute la solitude douloureuse de la condition de l’enfant (5 Bourgeois). Là il y a de la lecture possible une fois le processus primaire, forcément, traduit dans le secondaire. Mais Matieu ne croit pas trop à l’inconscient, comment faire s’agencer la grande tradition rationnelle de la Renaissance et des Lumières avec les postulats de la psychanalyse ? Alors il déroute sans le vouloir : toujours convaincu que l’esprit de l’un vaut celui de tous, comme un homme en vaut tout autre. Amenez toujours vos pincettes primaires et secondaires !

Matieu fut donc mathématicien et matérialiste. Mais l’universalité est également l’affaire des philosophes. Tout le drame d’une complémentarité. Matieu n’a que des philosophes (de métier ou de vocation) pour amis. C’est tout dire. Il se repose sans doute de ses amis avec des intellectuelles de toute orientation, ils ne leur demande pas à elles de faire parler ses œuvres, sans doute de se détendre également ou de les aimer simplement, parfois il pensera sans doute affermir l’amitié en les peignant, comme Picasso faisait avec ses amies. Matieu consacra toute une exposition à un souvenir, nostalgique sans doute, sous le titre : L’impossibilité de l’amour, et dans le Cahier des signatures quelqu’un avait indiqué : j’aimerais avoir été aimé comme cela ! Est-ce la raison de son retour à la figure, puis, plus carrément, à la vignette surcodée (fauteuil, pieu à moules, arbre hivernal, rhododendron, formule physico-mathématique, etc.) ? Quand il entreprit frontalement de peindre ses interlocuteurs, philosophes et artistes, politiques, etc., leur sort était entendu : ils appartiendraient à une Série dont le nom serait les Dinosaures, (6 : n’importe lequel des Dinosaures…) cela autorisait le face à face.

Ça s’aggravera par la suite quant à leur destin comme on va voir. Il pouvait se faire pardonner cet embaumement osseux sublime grâce au narcissisme des protagonistes… Mais quand il leur demanda de céder leur ombre, ou leur pieds ou les jambes accompagnant les pieds, certains se rebiffèrent. Car l’universalité ne se partage pas, et si l’être pur, qui vaut pour tout, équivaut au néant, comme le dit Hegel, tout le monde n’approuve néanmoins pas cette dialectique de l’ombre et de la lumière et attend plutôt un universel singulier bien plus que l’universel vide du néant (7 : Ombre de Juliette). Cette vérité hégélienne sur le néant a toujours produit des réticences depuis sa formulation. Hegel parmi ces sectateurs du reste, qui ne se satisfera que de l’universel concret. Wolls pensait qu’on illustrait mieux un doigt par un non-doigt que par un autre doigt si l’on veut montrer qu’un doigt est autre que lui-même. C’est que toute chose est autre qu’elle-même puisqu’elle s’illustre par ce qu’elle n’est pas, étant ainsi ce qu’elle n’est pas. La motte de beurre de Queneau a rendu célèbre cette dialectique dans Le Dimanche de la vie, la motte n’est ni ceci, ni cela et qui pour cela est précisément ce qu’elle n’est pas, une motte précisément. La matière joue donc comme le curseur rendant négativement toute chose équivalente à ce qu’elle n’est pas comme ce que cette chose est ! C’est la sarabande infinie des renvois dont au pire l’absence de référence ultime n’est autre que la circularité du dictionnaire. Les chinois ne sont pas hégéliens et Hegel n’est pas chinois : le cran d’arrêt qu’il mettra à ce carnaval sera précisément ce que la chose se désigne comme n’étant pas, sa “ différence déterminée essentielle ”, ce par quoi la chose se réfléchit et s’insatisfait[1]. Elle n’est donc bien rien, n’a pas d’essence, est le néant, mais le néant de ce qu’elle n’est pas, le néant dont elle provient, dit Hegel. Peut-on être plus libre, si le souci ou l’évidence est la liberté ? Matieu n’hésite pas à l’éprouver pour avancer dialectiquement en fonction de ses décisions. Il sait qu’il y aura toujours l’œuvre comme le néant dont proviennent les ombres ou les jambes sans têtes. Il pourrait y avoir quelque chose de mortifère dans ses demandes, l’affolement du “ n’importe quoi ”. C’est peut-être une face suicidaire de l’universalité matérialiste. Heureusement on n’a jamais fini avec la mort. Et l’alternative est ouverte : reculer effrayé devant l’arbitraire du signe, ou au contraire en faire la liberté enfin enracinée dans aucun pré-modèle qui, lui, serait toujours céleste.

Hélène Cassin n’est pas de cette trempe-là, celle des effrayés de voir leur jambes ou leur ombres réduites au néant d’une universalité vide, oubliant ce dont elles sont la détermination, étonnantes comme toutes les jambes de la série, elles sont là quelque part perdues dans la série des jambes. Seul vraisemblablement Matieu peut y reconnaître les siens, c’est sans doute son secret malicieux, ce qui doit le faire sourire en douce, car en public il lui est difficile de le voir manifester, encore moins chanter :: What a life, What a wonderful life ! Il a offert son portrait à un homme politique important, un ami, une partie du visage commençait à se fissurer sur la joue gauche comme le début de la fin de Dorian Gray. Je ne sais ce que le tableau est devenu… Je ne fréquente pas toutes les chambres de l’ami. Le pince-sans-rire, Mathieu, ne doit pas savoir lui-même s’il en rit doucement ou s’il en souffre dans son coin comme de la triste vérité universelle. Le plus ésotérique fut la série sur Hélène de Troie. Madame Cassin en fournit une très ésotérique interprétation. Deux livres au moins. Cette reine de la rhétorique. Faisons-lui confiance et à Matieu, que les philosophes sans têtes ou pures ombres lumineuses dans la caverne, qui succèdent à la Guerre de Troie dans les séries, feront, Gorgias aidant, “ voir Hélène en toute femme ” et que par là même ce soit « le Dimanche de la vie ».


Pierre Verstraeten

[1] cf. Juliette Simont Les “ fleures noires ” de la Logique, Kant, Hegel, Deleuze.